Pierre Villela-Petit
Directeur Associé @ Kontiki Média.
Après un long parcours dans le web et des passages chez Microsoft, MSN ou encore ADLPartner, Pierre a créé Kontiki Média en 2014 : une régie qui monétise les bases de données de ses partenaires.
Dans cette interview, Pierre nous partage son expertise sur les enjeux liés à la réactivation des profils inactifs, notamment à travers la nouvelle solution K-push, développée par Kontiki.
Sommaire de l’ITW :
La réactivation des profils inactifs, un enjeu business majeur
Hello Pierre, merci de nous accorder un peu de ton temps, la problématique de la réactivation des profils inactifs est un sujet que vous connaissez très bien chez Kontiki Média, peux-tu nous expliquer comment certains annonceurs se retrouvent dans l’incapacité d’exploiter une partie de leur base ?
Pour les annonceurs qui disposent d’une base assez conséquente, c’est-à-dire plusieurs dizaines de milliers, voire centaines de milliers d’inscrits, leur routeur, pour des raisons de délivrabilité, leur recommande souvent de limiter les envois au profit des plus actifs et de mettre de côté les profils les moins actifs, voire, au bout d’un certain temps, de les sortir des segments exploités pour la newsletter.
“Pour des raisons de délivrabilité, leur routeur recommande souvent de limiter les envois au profit des plus actifs et de mettre de côté les profils les moins actifs, voire, au bout d’un certain temps, de les sortir des segments exploités pour la newsletter.”
Donc, l’annonceur se retrouve avec tout un stock de profils, des gens pour lesquels il a investi, il a dépensé de l’argent avec des budgets de collecte parfois assez conséquents, qu’il ne peut plus solliciter, en tout cas par email. Les solliciter par d’autres canaux, le téléphone notamment, est souvent trop coûteux et la donnée n’est pas toujours disponible.
Les annonceurs se retrouvent donc face à une problématique importante : ils ont dépensé des budgets conséquents pour recruter des membres qu’ils aimeraient pouvoir exploiter mais leur routeur leur déconseille fortement de le faire.
Pourquoi est-ce que les routeurs insistent fortement sur ce point ?
Les routeurs veulent absolument éviter de dégrader la réputation des IP de leurs serveurs. Si le client shoote des email et qu’il tombe sur des spamtrap ou sur trop adresses email qui n’existent plus, le routeur va se faire taper sur les doigts et risque d’avoir son IP “grillée” par les fournisseurs de boîtes email (Apple, Gmail, Outlook, Yahoo et les fournisseurs d’accès internet).
C’est un problème que tu relèves fréquemment chez tes clients ?
À partir du moment où on exploite massivement l’email, disons plus de 100 000 adresses email dans sa base de données, que l’on exploite à raison d’une fois par mois ou par semaine, voire plus, tôt ou tard, on aura des très fortes chances d’avoir des problèmes de délivrabilité et d’être bloqué temporairement ou de façon permanente :
- Soit d’être mis en spam : toutes les communications arrivent en spam systématiquement sur un ou plusieurs fournisseurs de boîtes email.
- Soit d’être carrément bloqué : plus rien n’arrive, même pas en spam, tout est bloqué au niveau des serveurs et ça ne sert plus à rien d’envoyer sur les adresses du fournisseur de boîtes email concerné.
Lorsqu’on arrive à ce dernier stade, un peu extrême, quelles sont les solutions pour y remédier ?
À ce moment-là, un processus différent s’enclenche, il faut appeler son routeur. S’il accepte de s’en occuper, ou si le support déliverabilité est prévu dans votre contrat de routage, il va escalader le problème auprès du fournisseur de boîtes email : Orange ou Microsoft par exemple.
“Pour éviter ça, il est impératif d’avoir une bonne hygiène de base de données.”
Une “enquête” va être menée, on va essayer de comprendre ce qui s’est passé et tout ça peut demander beaucoup de temps. Pendant ce temps, les newsletters de l’annonceur sont totalement bloquées. Donc, pour éviter ça, il est impératif d’avoir une bonne hygiène de base de données.
Découvrez comment mener une analyse de votre base de données clients / CRM en 4 étapes simples & décrites dans notre article sur le sujet.
Il y a forcément des gens qui ne sont plus du tout actifs ou intéressés par les produits ou les services de la marque. Il est inutile de les garder dans sa base, mieux vaut les supprimer des envois pour améliorer le taux d’activation et éviter les plaintes.
L’enjeu, c’est d’identifier ceux pour lesquels, à l’inverse, on pourrait encore avoir une action marketing qui permettrait de les remettre dans une exploitation marketing et dans un flux CRM et éventuellement de mener des campagnes en fonction du degré d’inactivité.
Contactez Cartelis
pour enfin capitaliser sur vos données clients.
Cartelis vous accompagne dans le cadrage et le déploiement d'une stratégie data et CRM vraiment impactante.
Analyse client, Choix des outils, Pilotage projet et Accompagnement opérationnel.
Prendre contact avec CartelisLa première étape : identifier les profils inactifs exploitables
Vous proposez des solutions permettant à vos clients de conserver une base de données saine ?
On a mis en place différents types de traitements, on fait ce qu’on appelle un nettoyage des adresses email inactives des clients qui nous confient leur base.
Pour cela, on va identifier les adresses emails que nous connaissons déjà (Kontiki gère en parallèle 90 bases de données pour des dizaines de millions d’emails envoyés tous les mois) et parmi celles-ci, ne garder que les adresses qui existent encore en fonction de la réponse SMTP que nous renvoie le fournisseur de boîte email.
Si on constate que l’adresse email n’existe plus (hard bounce), évidemment on la supprime de la base de données. Mais on obtient parfois un autre type de réponse : la boîte est pleine, dans ce il vaut mieux temporiser et refaire des tests plus tard (soft bounce).
Et au-delà de ça, vous allez plus loin chez Kontiki pour identifier les membres encore actifs ?
Effectivement, la deuxième étape consiste à identifier parmi les inactifs de l’annonceur, ceux qui chez nous sont encore actifs. C’est une méthode efficace, parce qu’on arrive à en identifier, quelques-uns qui sont inactifs depuis plus de 6 mois chez l’annonceur et qui pourtant chez nous, ont encore ouvert des emails qu’on leur a envoyés plus récemment.
Et ça, désormais on sait le faire de façon anonyme, c’est-à-dire en cryptant chacun des emails pour les confronter à nos référentiels et à nos données. Les données “en clair” ne sortent pas de chez l’annonceur de façon à assurer la sécurité des données personnelles des clients.
Donc, c’est pas mal. Sauf qu’encore une fois, on n’obtient pas l’information en temps réel.
“L’idée de K-push est donc de pouvoir envoyer à l’annonceur une notification à chaque fois qu’une personne de sa base vient d’ouvrir un email que nous lui avons envoyé !”
Et c’est là que vient le K-push. Kontiki envoie beaucoup d’email parce qu’on monétise plus de 90 bases de données différentes. Sur la France, on monétise entre 50 et 60 bases de données, ce qui représente des millions d’emails envoyés chaque mois. De plus, nous avons constitué un réseau de partenaires éditeurs qui eux aussi envoient régulièrement des newsletters. On est donc parti du principe qu’il y a de fortes chances que parmi ces emails, certains soient aussi présents dans la base de données de nos annonceurs.
L’idée de K-push est donc de pouvoir envoyer à l’annonceur une notification à chaque fois qu’une personne de sa base vient d’ouvrir un email que nous, ou nos partenaires, lui avons envoyé !
Autre dimension très importante dans le contexte actuel : votre solution est-elle totalement conforme au cadre de la RGPD ?
Tout à fait, tout est anonymisé et on a un opt-in de chaque côté :
- Côté client : La personne est dans la base du client, si le client, à un moment ou un autre a récupéré son opt-in nous pouvons mettre en place la solution. Il faut bien sûr que la personne soit dans la base depuis moins de 3 ans.
- De notre côté : Pareil, nous ou nos partenaires, avons aussi obtenu le consentement explicite de la personne et donc récupéré un opt-in, depuis moins de 3 ans et on lui envoie régulièrement des emails.
- Le matching est fait de façon anonymisée : nos clients nous envoient une copie de sa base, soit en MD5, soit en SHA-256 (recommandé par la CNIL) des solutions de cryptage pour préserver le caractère anonyme des données personnelles. Aucune donnée personnelle n’est conservée sur la plateforme K-Push par laquelle les données ne font que transiter.
Comment réactiver les profils inactifs ?
Et donc une fois les profils inactifs identifiés, quelles sont les actions à mener pour les réactiver ? Vous intervenez également à ce niveau-là ?
Lorsqu’on observe une correspondance entre les deux bases de données, on envoie un ping directement sur le routeur de l’annonceur pour qu’il déclenche l’envoi d’une offre spéciale de réactivation avec un message bien tourné pour essayer de faire en sorte que la personne passe à l’action. Si l’annonceur le souhaite nous le conseillons sur les scénarios de réactivation et notre studio de web-design propose des emailing optimisés et efficaces.
Donc c’est intéressant. Ça permet d’avoir déjà un certain taux de reach par rapport à toute la base que nos différents clients peuvent avoir.
Comment encouragez-vous les éditeurs à partager leurs données ? Quel est le modèle économique derrière ?
Du point de vue des éditeurs, c’est intéressant parce qu’il y a effectivement un modèle économique derrière, donc une partie du revenu qui est payée par les clients annonceurs et reversée à chaque affilié en fonction du nombre de matching qu’il a permis dans le mois.
C’est un modèle économique qui leur permet de gagner de l’argent sans augmenter la pression marketing sur leur base puisque finalement, ce n’est pas l’éditeur qui va shooter les mails. C’est l’annonceur qui va envoyer sa newsletter à son inscrit avec son nom de domaine à lui, donc, la pression marketing perçue par l’internaute sera reliée à l’annonceur.
En termes de performances, quels sont les résultats que vous obtenez sur la réactivation ?
Le taux de matching, c’est souvent ce qui est le plus important pour les annonceurs. Ils veulent savoir combien, quel pourcentage de ma base je vais pouvoir réactiver grâce à ce système.
On dépend encore, bien sûr, de la base de données que vont nous partager les annonceurs :
- Actifs
- Inactifs
- Les deux
“Le taux de matching aujourd’hui constaté selon nos clients se situe entre 15 et 33% ! C’est donc un mix d’actifs et de non actifs. Mais admettons que la moitié soit des inactifs, ça fait quand même plus de 15% de gens réactivés.”
Un annonceur a tout intérêt à nous envoyer toute sa base (y compris les actifs) parce qu’on peut également déterminer quand un membre actif est actuellement en ligne en train de consulter ses emails. C’est le bon moment pour envoyer sa newsletter & augmenter ses taux d’ouverture.
Le taux de matching aujourd’hui constaté selon nos clients se situe entre 15 et 33% ! C’est donc un mix d’actifs et de non actifs. Mais admettons que la moitié soit des inactifs, ça fait quand même plus de 15% de gens réactivés.
Quand on sait que le coût d’acquisition d’un inscrit peut être de quelques dizaines de centimes à plusieurs dizaines d’euros, c’est une démarche très intéressante pour les annonceurs.
On a beaucoup parlé de l’email, mais est-ce que l’activation peut se faire via d’autres canaux ?
En général, c’est l’annonceur qui, au sein de son CRM Marketing, va définir les adresses qu’il souhaite insérer dans le K-Push. Dans la majorité des cas, cette sélection est faite en fonction de la dernière date d’ouverture d’un email. Mais on peut également utiliser comme critère la date du dernier contact, quel que soit le canal.
D’autre part, selon le type de consentement donné par l’internaute, notre solution permet de définir quand un utilisateur est actif : sur son iPad, sur son téléphone ou sur son PC. Ensuite, si l’annonceur souhaite transmettre l’information à son routeur SMS ou à son call center pour l’activer de cette façon, c’est tout à fait possible.
Donc l’implémentation de votre solution passe par une intégration aux outils de CRM marketing ? Avec quels outils êtes-vous interfacés ?
Alors oui, on est interfacé : on a des clients qui utilisent des solutions d’Adobe et de Salesforce avec lesquelles on a mis en place des connecteurs. Donc, on utilise les API des différentes solutions de marché pour pouvoir envoyer notre notification et déclencher le scénario prévu par l’annonceur dans son outil.
“…on a des clients qui utilisent des solutions d’Adobe et de Salesforce avec lesquelles on a mis en place des connecteurs… on utilise les API des différentes solutions de marché pour pouvoir envoyer notre notification et déclencher le scénario prévu par l’annonceur”
Et en ce qui concerne les outils CRM marketing plus à destination du mid-market ?
Splio, par exemple, est une très bonne solution qu’on connaît bien. Des discussions sont en cours avec l’un de nos clients qui l’utilise. Le développement du connecteur spécifique sera lancé dès que l’accord sera finalisé.
Mais toutes les principales solutions de ce marché : NP6, Emarsys, Expertsender ont toutes des API qui permettent de déclencher l’envoi d’un email à partir d’une information qui vient de l’extérieur, on est donc tout à fait en mesure de mettre ça en place si un de nos clients en a le besoin.
Les stratégies de réactivation à privilégier en fonction des marchés
Je profite de l’occasion et de ton expérience pour te poser quelques questions un peu plus macro. Vous déployez votre solution à différents niveaux à l’international, quelles sont les différences que tu constates, sur les pratiques liées à la réactivation notamment ?
Effectivement, au total on est présent sur 14 pays, un peu partout en Europe et on va même jusqu’à l’Australie et la Nouvelle-Zélande, avec différentes activités et à des niveaux d’intégration et de services différents.
La France est sans doute un des marchés les plus dynamiques pour ce qui est de l’usage de mail pour des campagnes d’acquisition. Même si l’emailing au global dans le marché publicitaire du digital a une place modeste en France (à peine 2,4% du marché de la publicité digitale selon l’enquête SRI – Oliver Wyman – UDECAM 2020) , on a un marché très dynamique (+6% vs 2019), avec des acteurs expérimentés qui savent ce qu’ils font et qui respectent le cadre réglementaire.
“La France est sans doute un des marchés les plus dynamiques pour ce qui est de l’usage de mail pour des campagnes d’acquisition.”
Au Royaume-Uni, la situation est un peu différente car il y a énormément de campagnes médias et une pression marketing plus élevée. Si vous n’avez pas la bonne campagne, avec une belle offre et un contenu impactant, vous passez complètement à côté, les KPIs seront très, très mauvais, parce qu’il y a tellement de campagnes sur le marché que pour se démarquer il faut être très pertinent.
En Allemagne, les normes de marché sont différentes avec la nécessité du double opt-in pour l’acquisition. On se retrouve donc avec des bases plus réduites en volumétrie et des coûts d’acquisition très importants, beaucoup plus élevés qu’en France ou au Royaume-Uni et cela décuple l’importance de la réactivation.
Ce sont les seules différences importantes que tu constates ?
Non, on a aussi des différences importantes en fonction des fournisseurs de boîtes email. En France, on a encore des acteurs traditionnels locaux importants avec Orange et SFR notamment.
Source : shuttlecloud
“Les règles de délivrabilité d’Orange et de Gmail ne seront pas du tout les mêmes”
En Espagne, en revanche, le marché est dominé par les ESP, les fournisseurs de boîtes mail américains tels que Gmail, Apple ou Outlook. Cela crée des différences au niveau des stratégies d’envoi, et pour des acteurs comme nous, l’approche est totalement différente.
Source : Statista
Les règles de délivrabilité d’Orange et de Gmail ne seront pas du tout les mêmes :
- Il est très important de surveiller comme le lait sur le feu le nombre de plaintes générées. Donc, il faut envoyer un mail qui soit pertinent et intéressant, mais en plus, éviter de shooter des emails sur les gens qui ont tendance à se plaindre un peu trop vivement. Pour mieux segmenter vos envois, il faut absolument avoir des prestataires qui donnent les rapports notamment de Signal Spam dans lequel on retrouve les volumes de plaintes pour Orange, pour SFR et pour La Poste.
- Pour Gmail, c’est différent : C’est vraiment lié à l’activité. Si vous voulez envoyer des emails avec des taux d’ouverture et de clics importants, vous allez petit à petit améliorer la réputation de votre domaine et de vos IP et vous allez sortir de la boîte spam pour rentrer petit à petit en inbox.
Dans les 2 cas il s’agit bien de “satisfaction client” mais mesurée avec des échelles de valeur très différentes.
Concrètement, comment est-ce que cela se traduit dans les campagnes ?
En conséquence, l’augmentation de la délivrabilité des clients sur Gmail passera par des incitations à cliquer, à faire des actions comme noter l’email comme important. Tous ces micro-évènements vont améliorer la réputation du domaine d’envoi.
“Il est très important que tous les annonceurs se rendent compte que pour avoir une bonne délivrabilité des emails, leur raisonnement doit se faire en fonction des clients de messagerie et pas uniquement en fonction de leur capacité à lancer un email sympathique avec une telle offre et attractif d’un point de vue visuel.”
Les équipes CRM marketing des marques qui ont des bases de données importantes doivent impérativement se former et être conscientes de ces détails. De ces gros détails techniques et ne pas se focaliser uniquement sur leur marque et leur capacité à faire de belles opérations marketing et promotions.
Il est nécessaire de prendre ces éléments en compte et d’adapter ses campagnes quand 50% de la base que je vais adresser est sur Gmail. Pour ces 50% là, je vais mettre en place des mécanismes pour maximiser le clic et créer une “suractivité” qui ne sera pas prise en compte sur Orange.
Cela revient à mettre en place une sorte de segmentation en fonction des clients de messagerie ?
Il est très important que tous les annonceurs se rendent compte que pour avoir une bonne délivrabilité des emails, leur raisonnement doit se faire aussi en fonction des clients de messagerie et pas uniquement en fonction de leur capacité à lancer un email sympathique avec une telle offre et attractif d’un point de vue visuel.
Cela peut être troublant pour des équipes marketing issues du marketing direct postal car ils sont habitués à travailler avec une distribution du courrier adressé gérée par un seul acteur : La Poste. Dans l’emailing la multiplicité des messageries aux règles bien distinctes, ajoute de la complexité mais cela vaut la peine de se former, et/ou de vous faire accompagner par des experts, car l’email reste le 1er usage d’internet et un canal marketing sans équivalent en termes de retour sur investissement.
Laisser un commentaire