A travers cet article, nous vous proposons une retranscription de la réaction de Lars Kamp, qui analyse comment le marché des données clients évolue, des CRM vers les CDP.
VP Platform Sales d’Instana, une solution d’APM (Application Performance Monitoring) destinée aux microservices, Lars Kamp décryptait le 19 octobre dernier le rachat de Segment par Twilio pour 3,2 milliards de dollars. Dans la mesure où la CDP (Customer Data Platform) de Segment va apporter de sérieuses capacités de personnalisation à la plateforme de communication de Twilio, cette acquisition révèle l’ambition de Twilio de s’attaquer à Salesforce sur son marché principal : le CRM.
Twilio a donc annoncé le 19 octobre, l’acquisition de Segment avec pour objectif de « démanteler les silos de données, en aidant les entreprises et leurs développeurs à créer des expériences client exceptionnelles ». Comme vous pouvez le voir ci-dessous, Twilio a connu une croissance exponentielle au cours des 5 dernières années et entend profiter du Momentum pour challenger Salesforce sur ce marché d’environ 100 milliards de dollars par an.
Source : Google Finance
Le CRM traditionnel vit ses dernières heures
Les dix dernières années ont vu l’explosion des plateformes SaaS que les entreprises utilisent notamment pour la vente, le marketing et le support client. Tout le monde utilise son outil préféré, et chaque outil génère son propre ensemble de données.
Au cœur du système, il y a un CRM – généralement Salesforce – qui tente de collecter les informations liées aux clients générées par toutes ces plateformes. La collecte de ces différents flux de données clients se traduit par un gigantesque agrégat d’intégrations point à point qui pose problème aux organisations.
Salesforce a lui-même reconnu le problème et s’y est attaqué, avec une stratégie de fusions-acquisitions en trois étapes :
- Faire l’acquisition de solutions spécifiques et les intégrer à Salesforce pour fournir une plateforme complète (comme DemandWare, ExactTarget, etc.)
- Faire l’acquisition de Mulesoft pour permettre aux clients de continuer à utiliser leurs outils SaaS préférés et de transférer les données vers Salesforce
- Acquérir Tableau et l’utiliser comme une interface de visualisation de toutes les données clients issues de tous les produits Salesforce et de tout autre outil qui s’intègre à Tableau.
Le résultat : vous obtenez le meilleur de tous ces univers. Vous continuez à utiliser vos outils préférés, à utiliser Salesforce comme CRM et vous visualisez toutes vos données clients en une seule plateforme. Si l’on observe la croissance et la part de marché de Salesforce, il est clair que cette stratégie a fonctionné.
Il n’y a qu’un seul problème avec cette stratégie, et c’est un problème de données.
Source : Twilio
L’approche des intégrations point à point a cessé de fonctionner, pour trois raisons :
- La fragmentation des données. Les données clients sont couplées à leurs outils et chaque outil a sa propre façon de définir et de mesurer chaque KPI. La solution pour obtenir des ensembles de données provenant de plusieurs outils différents est une intégration 1:1 sur mesure, mais pas une intégration 1:n.
- Explosion du nombre d’outils. Le nombre d’intégrations 1:1 à maintenir devient ingérable. Selon Blissfully, une entreprise qui centralise la gestion des outils SaaS, une entreprise classique de plus de 1 000 employés utilise 203 applications différentes.
- Substitution des outils. On assiste donc à un va-et-vient permanent de ces outils au sein des organisations. Les équipes marketing, en particulier, explorent sans cesse de nouvelles solutions. Malheureusement, il est impossible de multiplier les intégrations 1:1 quand la durée moyenne d’utilisation de votre écosystème de données est de moins d’un an.
Vous n’obtiendrez tout simplement pas de données propres, cohérentes et précises avec une approche d’intégration.
Les entreprises cloud natives qui ont démarré ces cinq dernières années partent déjà de ce postulat.
Les entreprises de la baie de San Francisco avec lesquelles je travaille ont déjà transféré leur approche client en dehors de leur CRM vers des entrepôts de données modernes, en cloud, comme Snowflake, BigQuery ou Redshift. Le CRM est bien sûr toujours utilisé, mais il est transformé en une interface de visualisation des données.
Dans ce contexte, une CDP (Customer Data Platform) comme Segment fonctionne très bien.
En quoi consiste une CDP exactement ?
Les CDP permettent de collecter, de traiter et d’unifier des données provenant de sources diverses afin de dresser un tableau d’ensemble de l’activité des clients tout au long de leur cycle de vie, sur tous les canaux.
Une CDP remplit trois fonctions :
- Collecter – Ingérer des données provenant de tous les points d’interaction, via une API unique. Le concept d’une API unique dédiée aux analytics est que tout outil SaaS tente de répondre à deux questions : 1. Qui est l’utilisateur, et 2) Que fait l’utilisateur ? Plutôt que d’utiliser 10 outils sur votre site web ou votre application mobile (par exemple pour l’analyse, les tests A/B, les pixels sur les réseaux sociaux, etc.), chacun avec sa propre nomenclature, vous utilisez une API unique, avec un cadre cohérent pour collecter les données.
- Consolider – Combiner, nettoyer et synthétiser les données pour créer un profil client unifié dans un entrepôt de données en cloud où les équipes peuvent exploiter les données clients comme elles le souhaitent. Les équipes d’analyse peuvent manipuler les données avec SQL, ce qui est facile à apprendre. Disposer de toutes vos données brutes en une seule plateforme, dans un format cohérent et documenté équivaut à disposer de super-pouvoirs en termes d’Analytics.
- Activer – Déployer des profils vers des outils et des processus en aval pour créer une meilleure expérience client. Les données traitées et nettoyées sont acheminées vers les outils correspondants (aussi appelés « destinations »), et chaque équipe (produit, marketing, ventes, support, etc.) peut faire son travail avec les outils de son choix. Mais tout le monde travaille à partir d’un ensemble de données cohérent et uniforme.
L’avantage de cette approche est que toutes les équipes de l’organisation travaillent sur la base d’un ensemble de données cohérent et identique, tout en gardant la flexibilité d’utiliser les outils SaaS de son choix.
Source : Twilio
Cela contraste avec le monde actuel de la gestion de la relation client, où les utilisateurs sont pris en otage entre un ensemble de données bricolé par l’acquisition de fournisseurs (Salesforce, Oracle, Adobe) et des années d’intégrations successives.
Les CDPs comme nouveau point stratégique
La troisième composante de la proposition de valeur d’une CDP, l’activation, est la partie la plus intéressante pour Segment et Twilio.
Selon mon expérience, les équipes « data » des entreprises cloud natives préfèrent utiliser un CDP pour collecter, nettoyer et normaliser les données D’ABORD dans un entrepôt, et ENSUITE les transmettre aux différents outils. La CDP transmet les données collectées dans un format standardisé à l’entrepôt.
L’étape consistant à utiliser un entrepôt de données en tant que plateforme de centralisation des données clients représente un vrai changement de mentalité. C’est l’équipe chargée des données qui construit les modèles, les agrégations, la logique, etc. Elle « produit » les données. Elle transforme les données obscures en un atout stratégique. L’outil lui-même devient la dernière couche de visualisation.
Les CDP réduisent l’importance des outils SaaS existants et deviennent le « point d’étranglement » pour la consommation en aval. Cela place les CDP dans une position extrêmement puissante, et leur permet de saisir la valeur qui est aujourd’hui captée par les CRM.
Avec Segment, Twilio ajoute cette couche CDP à sa plateforme.
Source : Twilio
Les clients de Twilio peuvent désormais utiliser des données enrichies dans leurs communications clients et laisser l’Analytics stimuler l’engagement. C’est exactement ce que nous dit cet article du blog de Twilio : « Segment fournit la plateforme de données permettant d’ajouter de l’intelligence aux canaux d’engagement digitaux de Twilio qui alimentent actuellement 1 000 milliards d’interactions par an. En appliquant une approche basée sur les données, généralement utilisée en marketing et dans les domaines fonctionnels tels que l’analyse, les produits et le service client, Twilio améliorera intégralement l’expérience client à chaque point de contact.«
L’interface utilisateur des données de Segment devient Twilio Flex, le centre de contact client de Twilio.
Source : Twilio
Nul besoin d’être un génie pour prédire que nous verrons davantage de données de Segment intégrées dans l’interface utilisateur Flex, avec des actions déclenchées automatiquement pour communiquer en amont et en aval avec le client.
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A mesure que l’interface utilisateur de Flex évolue, elle a plus de chances de devenir la plateforme d’enregistrement des données, remplaçant Salesforce. Cela peut paraître fou, mais Twilio a aujourd’hui l’opportunité de remplacer Salesforce, alors que Microsoft, Oracle et SAP ont tout tenté pour cela pendant des années.
La différence réside dans le fait que Twilio et Segment ont été adoptés par tous les développeurs. Ils font partie des entreprises qui font passer l’API en premier.
Source : Twilio
Les développeurs sont les premiers à décider des outils à intégrer, de la manière d’exposer les données qu’ils génèrent et des processus en aval qui s’appuieront sur ces données. Une fois de plus, c’est une position forte, supérieure à celle des CRM.
Nous ne sommes qu’à l’aube de l’ère des CDPs
Segment et Twilio sont deux très belles entreprises qui, ensemble, vont connaître un succès exceptionnel. Segment est clairement le leader du marché des CDP.
Source : Twilio
Il y a aussi beaucoup de place pour tous les autres. Le marché des CDP est encore à ses prémices. Alors que Segment a 10 ans, la notion de « plateforme de données clients » est un concept marketing qui ne s’est démocratisé qu’au cours des trois dernières années.
La plupart des CDP existants dans la catégorie ont été construits au début des années 2010, et ont repositionné des produits AdTech ou LeadTech en tant que CDP.
Ces CDP ont été construits sur la base d’un paradigme technologique différent, avec une construction monolithique. Les hypothèses sous-jacentes concernant le volume d’événements, les cas d’utilisation, les types de données, la latence, la confidentialité, la sécurité et la tolérance aux erreurs étaient différentes. À l’époque, le marketing et les ventes s’intéressaient à des analyses simples, basées sur des tableaux de bord. Il suffisait d’obtenir des données une fois par jour. Presque personne n’utilisait un entrepôt de données. Cela se reflète dans leur architecture. D’où le choix d’une construction monolithique, et les CPD hébergeaient eux-mêmes toutes les données.
Architectures de données modernes et cloud natives
Aujourd’hui, nous nous intéressons aux applications de Machine Learning et d’Intelligence Artificielle, et les développeurs construisent des logiciels avec un esprit « data first ». Il y a dix ans, la valeur première venait de l’application logicielle elle-même. Aujourd’hui, la valeur se situe dans les données que l’application génère.
Un tout nouvel écosystème d’outils de données a émergé, et les architectures sont désormais cloud-natives et utilisent des microservices et des Kubernetes (K8s). Les clients exploitent l’infrastructure de données dans leurs propres instances de cloud, souvent en s’appuyant sur des projets open source. Certains cas d’utilisation nécessitent un traitement en temps réel et un stream processing. Le principal magasin de données est un data lake ou un entrepôt de données en cloud, et non le CDP.
Pour un CDP, ces nouveaux cas d’utilisation doivent se retrouver dans le produit. Ils doivent aller là où vont leurs clients.
C’est là qu’interviennent les CDP cloud natives comme RudderStack. RudderStack est la première CDP fonctionnant via une API et basée sur entrepôt de donées en cloud. RudderStack est un logiciel libre, mais il est également fourni avec une version hébergée qui fonctionne dans l’infrastructure du client. Avec RudderStack, un client peut créer un écosystème de données complet autour de son propre entrepôt en cloud, ce qui donne aux équipes d’ingénieurs un contrôle total.
Source : Rudderstack
En tant qu’investisseur dans RudderStack, je reconnais être un peu partial mais il considère réellement que ce que fait RudderStack sera la nouvelle norme.
Pour les anciennes CDP, il n’est pas facile de s’adapter et de modifier son architecture. En fait, Segment lui-même est passé d’une architecture monolithique aux microservices, puis est revenu sur une architecture monolithique. Ne vous méprenez pas, Segment se débrouillera très bien en tant que leader du marché et avec les ressources et la distribution de Twilio.
Je suis également enthousiaste à l’idée de ce qui nous attend, et de l’opportunité que représente RudderStack, qui aide les développeurs à construire l’infrastructure de données mondiale à partir de zéro.
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